“Toutes les routes menaient à Amazon. Aujourd’hui, elles bifurquent.”
Pendant plus d’une décennie, les marketplaces ont régné sans partage. Amazon, Cdiscount, Rakuten, Etsy… Autant de carrefours numériques devenus incontournables pour les commerçants, petits ou grands, en quête de visibilité. Le modèle semblait indéboulonnable : mutualisation des audiences, logistique intégrée, sécurité de paiement. Mais voilà que l’hégémonie vacille. Google Shopping muscle son jeu, les réseaux sociaux transforment chaque scroll en acte d’achat, et la question se pose sérieusement : les marketplaces ont-elles connu leur moment de gloire… et entamé leur déclin ?
Google ne vend rien… mais il vend mieux que les autres ?
Longtemps considéré comme une simple porte d’entrée, Google se mue en destination. Son service Google Shopping, initialement perçu comme un comparateur, s’est métamorphosé en écosystème complet, multipliant les intégrations (Avis, livraison, options de paiement) et étoffant son catalogue avec une agressivité quasi silencieuse.
C’est que Google a un avantage stratégique massif : il indexe tout. Là où une marketplace limite l’offre à son propre catalogue ou à ses vendeurs partenaires, Google ratisse large, agrège, et sert l’internaute dans sa diversité de goûts, de prix, de vendeurs. Résultat ? L’acheteur gagne en liberté et en transparence. Le vendeur, lui, commence à se demander pourquoi il paierait 15 % de commission à une marketplace, quand Google Shopping lui offre de la visibilité dès les premières recherches produit.
Du post Instagram à l’achat en un clic : la tentation sociale
À côté, les réseaux sociaux ne se contentent plus de faire rêver. Ils font acheter. Instagram, TikTok, Pinterest et maintenant même WhatsApp se transforment en véritables boutiques à ciel ouvert. La différence ? L’émotion. Là où une marketplace standardise l’offre, les plateformes sociales la personnalisent, la scénarisent, la rendent désirable. On n’achète plus un pull, on achète du lifestyle dans une communauté.
En 2024, le social commerce représentait déjà plus de 1 200 milliards de dollars dans le monde selon Accenture. La dynamique est explosive. Et surtout, elle déporte l’expérience d’achat là où l’attention est déjà captée. La marketplace ne fait plus rêver, elle fait… fonctionnaire du e-commerce.
Les marketplaces, victimes de leur propre succès ?
Le vrai problème des marketplaces, c’est qu’elles ont misé sur la centralisation. Et que cette centralisation a fini par se retourner contre elles. En concentrant les vendeurs et les produits, elles ont nivelé l’expérience utilisateur autour du plus petit dénominateur commun. En augmentant leurs commissions, elles ont étranglé les marges. En renforçant leur logistique, elles ont rendu les vendeurs dépendants.
Plus inquiétant : la promesse de visibilité s’érode. Le search interne d’Amazon est devenu une guerre d’enchères, où seuls les annonceurs les plus généreux s’imposent. Pour les autres ? C’est l’anonymat. Résultat : des marques migrent vers le D2C (Direct-to-Consumer), investissent en SEO, en réseaux sociaux, et redécouvrent le pouvoir d’un site bien conçu, bien référencé, bien animé. Un retour aux fondamentaux de l’Internet.

Et demain ? Ce ne sont plus les plateformes qui feront la loi, mais les audiences
Soyons clairs : les marketplaces ne vont pas disparaître. Mais leur modèle n’est plus incontournable. L’avenir du commerce en ligne, ce n’est plus la plateforme unique, c’est la multiplication des points de contact. Les consommateurs veulent choisir où et comment ils achètent. Et pour cela, ils utilisent leur moteur de recherche, leurs apps préférées, leurs influenceurs de confiance, les sites qui proposent des fonctionnalités spécifiques.
Ce changement oblige les commerçants à redevenir stratèges. À ne plus se contenter de “poser leur catalogue” sur une place de marché, mais à réfléchir en termes de parcours, d’image, de communauté, d’outil dédié. La distribution (re)devient fluide, multicanale, émotionnelle.